vendredi 24 décembre 2010

Noël chez les libraires

Cette période est comme toujours propice aux nouveautés dans le monde de l’édition : inédits, rééditions, compilations, viennent envahir les présentoirs. Par devoir et par altruisme (c’est Noël), les Septembriseurs vous signalent quelques-uns de ces livres, sans oublier d’en mentionner certains qui ont pu sortir plus tôt dans l’année. D’avance prévenons le lecteur qu’il sera beaucoup question de livres de poche, notre prédilection en ce domaine étant après tout des plus légitimes : pratique, relativement peu coûteux, bien présenté, le livre de poche l’emporte très souvent face aux austères éditions sur papier chic que d’anachroniques éditeurs continuent de répandre avec une largesse démesurée.

Les admirateurs de Stendhal peuvent enfin se féliciter de la sortie de son Journal en poche, chez folio, bien que le millier de pages qui le compose ne rende pas sa tenue très pratique (deux tomes eussent été souhaitables, mais folio a ses manies…). Quelques pinailleurs pourraient néanmoins déplorer le manque d’exhaustivité du texte. En effet, préfacée par Dominique Fernandez, cette édition d’Henri Martineau déjà publiée par la Pléiade (Œuvres intimes, 1955) représente ce que Victor Del Litto a appelé le Journal « élaboré » et couvre la période 1801-1823. Or, dans la version que ce dernier avait donné en 1981 à la Pléiade, le Journal « élaboré » était enrichi d’un Journal « reconstitué » (composé d’annotations, fragments et notes retrouvés dans les manuscrits et livres), au point de prolonger le Journal jusqu’à la mort de l’écrivain en 1842. Quoi qu’il en soit, cette première édition en poche reste des plus louables. En outre, comme le souligne Xavier Bourdenet, qui a supervisé ladite édition, cette version du Journal a le mérite d’être révisée puisque certains manuscrits jusqu’ici demeurés inaccessibles ont pu être consultés et de nombreuses erreurs de retranscriptions ainsi corrigées.

Plusieurs auteurs dont nous avons parlé sur ce blog ont connu cette année de nouvelles éditions en poche alors même qu’ils paraissaient rangés pour de bon au purgatoire. Tout d’abord, il s’agit évidemment de Paul Bourget dont Le disciple a été republié dans la collection Livre de poche avec une intéressante préface d’Antoine Compagnon. De son côté, Le désespéré de Léon Bloy est ressorti chez GF, tandis que La femme et le pantin de Pierre Louÿs a vu une double réédition en septembre, chez Livre de poche et folio. Toujours à la rentrée, le premier roman de Gabriel Chevallier, La peur, qui raconte son expérience de soldat lors de la Première Guerre Mondiale, a connu sa première réédition en poche depuis 1968 en grande partie grâce au Dilettante qui l’avait exhumé voici deux ans (livre de poche).
Un inédit de Malaparte est venu rejoindre les incontournables Kaputt et La peau en poche : Le compagnon de voyage, court récit écrit peu après la guerre qui narre, en 1943, le périple d’un soldat ramenant la dépouille de son lieutenant depuis le sud de l’Italie jusqu’à Naples. Sans être extraordinaire, ce livre devrait au moins satisfaire les amateurs de l’écrivain italien qui y retrouveront cette période immortalisée dans La peau : l’Italie de la débâcle.

En dehors des livres de poche, signalons la réédition des Poneys sauvages de Michel Déon dans une version légèrement remaniée par l’auteur (Gallimard, Nrf). Ce grand roman demeure des plus passionnants pour qui s’intéresse à l’histoire politique, plus précisément aux trente années qui s’écoulèrent entre 1940 et 1970 : Seconde Guerre Mondiale, guerre froide, décolonisation, les destins des cinq personnages principaux sont bringuebalés au gré de ces événements.
Un autre auteur qu’on aurait pu croire enterré et qui, à la réflexion, s’en sort à merveille si l’on en juge par le nombre de rééditions est Maurice Barrès. Considéré à juste titre comme l’un des plus éminents bourreurs de crâne du parti nationaliste, cet écrivain garde pour lui quelques bons romans (La colline inspirée entre autres) et des récits de voyage au charme désuet. Voici que ses Cahiers sont réédités dans une belle présentation en deux tomes aux Éditions des équateurs (tome 1, 1900-1911, avec une préface d’Antoine Compagnon (encore), sortie du tome 2 en janvier 2011).
Enfin, pour les inconditionnels de la Pléiade, rappelons que les œuvres complètes de Boris Vian sont désormais disponibles dans cette collection de luxe. La mode des « appareils critiques » dont on connaît bien les ravages explique pourquoi la mince œuvre romanesque de cet auteur nous vaut deux volumes entiers… Espérons que chacun y trouve son compte !

Lucien JUDE

Images : couverture du Journal de Stendhal (source ici), couverture du Compagnon de voyage de Malaparte (source ici), couverture de la nouvelle édition des Poneys sauvages de Déon (source ici).
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7 commentaires:

  1. Un article d'un rare optimisme !

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  2. Pour avoir lu les trois Malaparte cités, je dois dire que j'ai été assez déçu par Le Compagnon de voyage. Le ton est plus complaisant et moins drolatique que dans Kaputt et La Peau, on y retrouve moins la magie de ces descriptions inattendues qui y sont pour beaucoup dans le charme qu'exerce l'écriture de Malaparte sur le lecteur.
    Cette note utilitaire brille en tout cas "d'un rare optimisme" pour reprendre le terme de Mlle L. Est-ce que l'esprit de Noël a soufflé sur les Septembriseurs ?

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  3. Ce doit être l'esprit de Noël, en effet !
    Mais il est toujours agréable de constater que les éditeurs ont parfois de bonnes idées…

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  4. Bonne année aux Septembriseurs, en espérant que 2011 sera aussi prospère que 2010 et les articles aussi agréables à lire !
    Amicalement.

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  5. Merci BBC !
    Malgré les contraintes professionnelles qui risquent de ralentir le rythme de certains rédacteurs, nous tâcherons d'être aussi prolifiques que possible.
    Bonne année à tous nos lecteurs !

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  6. Acceptez les meilleurs de mes vœux pour une année aussi riche en débats, découvertes et relectures. Et comme vous évoquiez naguère Paul Bourget, je vous recommande les A voix nue de Maurice de Gandillac rediffusée ces derniers jours sur France Culture (http://www.franceculture.com/emission-a-voix-nue.html-0). Il est évoqué dans le deuxième ou troisième entretien je crois. Avec de nombreuses autres figures que ce jeune homme de 88 ans (à l'époque) a rencontrées. Cela change des indignations grabataires et gnan-gnan en vogue...

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  7. Merci Fabrice ! Bonne année à vous et à e-gide !

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